A l'heure où le monde entier se débat face à l'épidémie du Covid-19, la profession fait partie des sinistrées du Covid. Après des mois d'arrêt, tandis que les concerts commencent doucement leur reprise, la recrudescence des contaminations menacent de nouveau. Mais que savons-nous exactement ? Quels sont les risques de propagation lors de pratiques musicales ? Faisons le point ensemble.
La musique est par excellence, un art de partage et de transmission. Cela en fait-elle une pratique dangereuse à l'heure du Covid-19 ?
Bien que peu d’études scientifiques à ce jour ont été menées sur la question, permettant ainsi d'apporter une réponse définitive à cette question, certains résultats déjà disponibles peuvent éclairer professionnels et amateurs sur les dangers éventuels de certaines disciplines, dites "à risques".
Vous entendez depuis des mois déjà les façons dont se propage le virus du Covid-19, je ne développerais donc pas. Pour faire court, selon les connaissances scientifiques actuelles, il se transmet par aérosols. C'est à dire par la projection de gouttelettes (pouvant rester en suspensions dans l'air plusieurs minutes) lors de la parole, la toux, l'éternuement, mais également par une respiration buccale / orale. Bien sûr, la contamination peut également être moins directe. Une fois les fameuses gouttelettes retombées sur des objets, ceux-ci peuvent s'avérer tout aussi dangereux pour ceux qui les toucheront. On sait que le virus reste actif plusieurs heures, voir plusieurs jours en fonction de la surface.
Sachant cela, il est légitime d'en déduire que certaines pratiques musicales telles le chant, la pratique orchestrale, la chorale, ainsi que la pratique d'instruments à vent ou encore d'instruments partagés par plusieurs musiciens, seraient susceptibles de véhiculer le virus du Covid-19. D’autant plus que les mesures préconisées par les autorités sanitaires - la distanciation physique, le port du masque ou encore la désinfection des surfaces partagées, y sont difficilement applicables.
Qu'en est-il du chant ?
Sachant que le premier mode de transmission est la projection de gouttelettes, le lien de cause à effet semble évident. Et les faits le prouvent. En effet, plusieurs de cas de contamination massive au sein de chorales ont été rapportés par la presse, dont le concert du Chœur Mixte d'Amsterdam début mars au Concertgebouw. Sur 130 choristes, 102 ont été infectés par le virus, dont quatre en sont mortes. On a observé le même scénario macabre dans l'Etat de Washington, en Allemagne ou encore en Angleterre. Cela confirmerait que le fait de chanter, notamment dans les endroits fermés, pourrait augmenter le risque de propagation du virus.
C'est pourquoi l'école de Musique Le Diapason a pris la décision de suspendre tous les cours de chant et de chorale jusqu'à nouvel ordre. La direction de l'école offre néanmoins la possibilité de remplacer les cours collectifs de chorales par des ateliers de musique de chambre ou d'orchestre. Vous pouvez vous rapprocher de la direction pour tout renseignement complémentaire.
Le Diapason s'est également appuyé sur un document de synthèse émis par l’Association européenne du chant choral pour prendre cette décision afin de protéger au mieux ses élèves et ses enseignants : « Bien que les études spécifiques sur les effets du chant soient pour l'instant peu nombreuses, les recherches qui concernent le sport ou la respiration normale suggèrent que n'importe quelle activité demandant de parler fort, de crier, de chanter ou de respirer profondément est considérée comme étant plus dangereuse, particulièrement lorsqu'elle se déroule dans un endroit fermé où il y a beaucoup de monde. [...] chanter en groupe dans le contexte actuel est considéré par de nombreux experts plus dangereux que d'autres activités culturelles. [...] Le cœur lourd, nous ne pouvons que recommander à toutes les chorales des pays concernés d'annuler toutes les répétitions pendant plusieurs semaines. »
Bref, le chant, on oublie quelque temps. Sauf bien sûr en solo ou à bonne distance des autres!
Et la pratique orchestrale dans tous ça ?
Comme pour toute autre activité musicale d'ensemble, la proximité physique des musiciens dans l'état actuel de la pandémie pose question. Mais plus encore, ce sont les risques éventuels de propagation du virus potentiellement causés par les instruments à vent, tels que les cuivres et les bois qui inquiètent. Plusieurs études ont été lancées sur le sujet et certains groupes de recherche, notamment en Allemagne et en Autriche, ont en publié les premières conclusions. Celles-ci s'avèrent plus optimistes qu'attendu.
La revue La médecine des arts livrent dans un dossier disponible en ligne ses conclusions et préconisations en la matière. Nous vous invitons à le parcourir dans son intégralité, mais en voici quelques extraits : « Selon les connaissances physiologiques actuelles, il semble que seules de petites quantités d'air par unité de temps s'écoulent réellement de la bouche du chanteur ou du pavillon de l'instrument à vent. [...] Les mesures actuelles (5 mai 2020) effectuées auprès de musiciens de l’Orchestre symphonique de Bamberg confirment ces hypothèses. [...] il ne semble pas nécessaire de dépasser de manière significative la distance de 3 à 5 mètres. Une distance de 2 m semble être suffisante comme distance minimale pour les instrumentistes à vent et les chanteurs, puisqu’à cette distance, aucun mouvement d’air supplémentaire dans la pièce pendant le jeu ou le chant n’a été détecté lors des mesures.» Cependant, selon La médecine des arts, un certain nombre de mesures d'hygiène spécifiques doivent être observées, notamment la collecte du liquide de condensation à l'aide de lingettes jetables ou encore le nettoyage des instruments, des pupitres et autres surfaces de travail à proximité des instruments à vent, y compris l'écran de protection et le sol, après la répétition ou le concert.
L'école de musique a pris soin de mettre en place un protocole strict afin de répondre au mieux aux préconisations sanitaires tout en garantissant le confort de ses praticiens.
Et comment partager en toute sécurité un même instrument ?
Dans les orchestres comme dans les établissements d'enseignement musical, il existe un risque supplémentaire de propagation du virus par le contact et la manipulation que représenteraient les instruments partagés par plusieurs musiciens, enseignants ou élèves, difficilement transportables (pianos, harpes, percussions, etc...).
Il n'existe à notre connaissance, aucune études disponibles à ce jour. Cependant, La médecine des arts conseille à chaque instrumentiste de se laver les mains pendant au moins 30 secondes avant de jouer et de nettoyer l'instrument avec des lingettes jetables avant et après la pratique, dans la mesure du possible.
Mais que faire pour certains instruments, pour lesquels la désinfection régulière peut être contre-indiquée, voir nocive ?
Afin de répondre aux mieux à cette problématique, nous vous invitons à vous prendre connaissance du guide détaillé d'entretien des instruments partagés dans le contexte de la prévention de la propagation du Covid-19 publié par l'institut technologique des métiers de la musique et la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale.
Ce livret est destiné initialement aux musiciens d'orchestre et aux enseignants. Celui-ci a été préalablement étudié par la direction de l'école de musique Le Diapason pour élaborer son protocole sanitaire. Il y est conseillé notamment la mise en « quarantaine dont la durée varie en fonction des surfaces, de la quantité initiale de virus et de l’humidité. Une durée de 6 à 9 jours est fortement recommandée sur la base des connaissances actuelles.» Le nettoyage et la désinfection sont préconisées sous condition « d'éviter de mettre les produits désinfectants conseillés (alcool, eau de javel ou désinfectants norme 14476) sur les instruments sans avoir consulté la liste de compatibilité et les protocoles communiqués par la CSFI », qui peuvent dissoudre les vernis ou altérer les matières, et ainsi durablement abîmer l'instrument.
Le port du masque est vivement conseillé pendant tous les moments d'échange et de proximité autres que le jeu et le chant.
Maintenant que avez toutes les clefs d'une pratique musicale saine, n'hésitez plus, attrapez vos instruments! Sans musique, le monde si triste...
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